22 septembre 2025

Ce qu’est une faute grave
La faute grave est un motif disciplinaire de licenciement reconnu par le Code du travail, mais défini essentiellement par la jurisprudence. Elle se distingue des autres fautes (simple ou lourde) par son intensité : elle est si sérieuse qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, même pendant la durée du préavis.
Définition juridique
La faute grave suppose :
Un manquement volontaire ou négligent du salarié à ses obligations contractuelles,
Une perturbation significative du fonctionnement de l’entreprise,
Une rupture immédiate du lien de confiance, empêchant toute collaboration future, même temporaire.
La gravité est appréciée au cas par cas par le juge, selon la nature du poste, le contexte, l’ancienneté et les antécédents éventuels.
Exemples fréquents de fautes graves reconnues
Insubordination caractérisée (refus d’exécuter une tâche légitime),
Abandon de poste non justifié,
Violence ou menaces envers des collègues ou supérieurs,
Vol, fraude ou détournement de matériel de l’entreprise,
État d’ébriété au travail, si cela nuit à la sécurité ou à l’image de l’entreprise,
Harcèlement ou comportements déplacés sur le lieu de travail.
Attention : une erreur ou un simple désaccord professionnel ne suffit jamais à caractériser une faute grave.
Les étapes de la procédure à respecter
Le licenciement pour faute grave impose à l’employeur de suivre une procédure stricte, encadrée par le Code du travail. Toute erreur ou irrégularité peut entraîner des sanctions, voire une requalification du licenciement. Voici les étapes obligatoires, dans l’ordre chronologique.
1. Prescription : agir dans les 2 mois
L’employeur dispose d’un délai de 2 mois maximum (art L1332-4 du Code du Travail) à compter de la connaissance des faits fautifs pour engager la procédure disciplinaire.
Passé ce délai, les faits ne peuvent plus fonder un licenciement pour faute, sauf s’ils se répètent ou s’ils ont été dissimulés.
2. Mise à pied conservatoire (facultative)
Dans les cas les plus graves, l’employeur peut notifier une mise à pied conservatoire immédiate (art L1332-3 du Code du Travail) au salarié. Elle suspend le contrat sans rémunération, en attendant l’issue de la procédure.
Elle n’est pas obligatoire, mais fortement conseillée en cas de trouble immédiat.
Elle doit être confirmée par écrit, avec effet immédiat.
Cette mesure n’est pas une sanction, mais une précaution en attendant la décision finale.
3. Convocation à l’entretien préalable
L’employeur doit adresser une convocation selon les modalités définies par l’art L1232-2 du Code du Travail à savoir :
Par lettre recommandée avec AR ou remise en main propre contre décharge,
Mentionnant :
L’objet : "entretien préalable à un licenciement éventuel"
La date, heure et lieu,
Le droit du salarié à se faire assister (collègue ou conseiller extérieur) selon l’article L1232-4 du Code du Travail,
En respectant un délai de 5 jours ouvrables minimum avant l’entretien.
Cette convocation marque l’ouverture officielle de la procédure disciplinaire.
4. L’entretien préalable
L’entretien est une obligation légale. Il permet :
À l’employeur d’exposer les griefs reprochés,
Au salarié de se défendre, fournir des explications ou des justificatifs,
Aux deux parties d’échanger dans un cadre contradictoire.
Même en cas de faute manifeste, le salarié doit pouvoir s’expliquer : c’est une exigence procédurale fondamentale.
5. Notification du licenciement
La décision ne peut pas être prise immédiatement après l’entretien. L’employeur doit respecter un délai de :
2 jours ouvrables minimum, et 1 mois maximum,
Et notifier le licenciement par lettre recommandée avec AR,
En motivations précises et factuelles.
L'absence de motivation claire peut rendre le licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Que se passe-t-il après la notification ?
Une fois la lettre de licenciement pour faute grave envoyée, le contrat de travail est rompu immédiatement. Toutefois, certaines obligations demeurent pour l’employeur, et le salarié doit recevoir les documents indispensables pour faire valoir ses droits, notamment auprès de France Travail.
Documents obligatoires à remettre
Malgré la gravité de la faute, l’employeur doit remettre au salarié, dès la rupture effective :
Le certificat de travail, attestant de l’emploi occupé et de la période d’activité,
L’attestation France Travail (ex-Pôle emploi), permettant d’ouvrir les droits au chômage,
Le reçu pour solde de tout compte, listant les sommes versées (congés payés, salaire restant dû…).
Ces documents doivent être remis sans délai, idéalement dès le jour de la rupture ou dans les jours suivants.
Effets financiers de la faute grave
Le salarié perd certains droits contractuels, notamment :
L’indemnité de licenciement, même s’il a plus de 8 mois d’ancienneté (art L1234-9 du Code du Travail),
L’indemnité compensatrice de préavis, le contrat étant rompu immédiatement (art L1234-5 du Code du Travail).
Cependant, le salarié garde le droit :
Au salaire du mois en cours, pour les jours effectivement travaillés,
À l’indemnité compensatrice de congés payés, pour les jours acquis non pris (art L3141-28 du Code du Travail),
Le cas échéant, à l’indemnité de non-concurrence, sauf renonciation expresse et dans les délais prévus.
Le licenciement pour faute grave n’annule donc pas tous les droits du salarié — seuls certains éléments contractuels sont exclus.
Pourquoi respecter ces étapes est essentiel
La procédure de licenciement pour faute grave est strictement encadrée par le Code du travail. Si l’employeur ne suit pas correctement les étapes imposées, le licenciement peut être jugé irrégulier ou sans cause réelle et sérieuse, même si la faute est reconnue. Cela peut avoir de lourdes conséquences juridiques et financières.
Une procédure défaillante coûte cher
Un manquement à la procédure (ex. : convocation incomplète, délais non respectés, lettre de licenciement imprécise…) peut donner lieu à des dommages et intérêts pour irrégularité de procédure :
Montant : jusqu’à un mois de salaire brut, même si la faute est avérée,
Montant plus élevé si la faute est requalifiée ou jugée inexistante.
Un salarié mal licencié peut ainsi obtenir une compensation, indépendamment du fond du dossier.
Le rôle clé du formalisme
Le juge prud’homal apprécie autant la réalité de la faute que le respect du formalisme. Cela signifie que :
Une faute grave peut être reconnue, mais le licenciement invalidé partiellement (sur le plan procédural),
Un licenciement sans entretien préalable, sans motivation claire ou hors délai peut être entièrement annulé.
La rigueur de la procédure protège l’employeur… autant qu’elle offre au salarié une garantie de respect de ses droits.
Préserver les intérêts des deux parties
Respecter la procédure :
Protège l’employeur contre d’éventuelles actions prud’homales coûteuses,
Donne au salarié un cadre clair pour se défendre et contester, si nécessaire,
Permet une séparation plus maîtrisée, même en cas de rupture conflictuelle.
Chez Monciero Avocats, nous accompagnons autant les employeurs que les salariés pour garantir le respect strict de chaque étape — ou pour relever les manquements en cas de litige.
Conclusion
Le licenciement pour faute grave est une décision lourde de conséquences. Elle met fin au contrat sans préavis ni indemnité, mais elle ne dispense en aucun cas l’employeur de respecter une procédure stricte et encadrée par la loi.
De la convocation à l’entretien préalable jusqu’à la notification formelle du licenciement, chaque étape doit être suivie avec précision, sous peine de requalification, de sanctions financières ou d’annulation de la rupture.
Pour les salariés, connaître la procédure permet de repérer les irrégularités, d'exercer un recours en cas d’abus, ou de défendre sa position lors de l’entretien. Pour les employeurs, une procédure rigoureuse est la meilleure protection contre les contentieux.
Chez Monciero Avocats, nous vous accompagnons pas à pas, que vous soyez employeur souhaitant sécuriser un licenciement ou salarié envisageant une contestation. Ensemble, faisons valoir vos droits, avec clarté et stratégie.
Besoin de sécuriser ou contester un licenciement pour faute grave ? Contactez notre cabinet pour un accompagnement sur mesure.
Auteur
Jean-Gabriel Monciero
Avocat à la Cour
Depuis plus de 10 ans, le cabinet Monciero Avocat dédie entièrement son expertise en droit du travail et en droit social au service des salariés et notamment des cadres.